
AUDIENCE DISCIPLINAIRE TENUE EN VERTU DES ARTICLES 20 ET 24 DU STATUT NO 1 DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DES COURTIERS DE FONDS MUTUELS
Re Stephen Scott Smockum
Décision et motifs
Jury d'audition du conseil régional du Centre:
- L’honorable Robert P. Armstrong, c.r., Président
- Brigitte J. Geisler, Membre représentant le secteur
- Guenther W. K. Kleberg, Membre représentant le secteur
Appearances:
Brendan Forbes, Avocat de la mise en application pour l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels
Jordan Glick, Avocat de l’intimé
Stephen Smockum, Intimé
I. L’INTRODUCTION
- Stephen Scott Smockum (l’intimé) était une personne autorisée inscrite chez Desjardins Sécurité financière Investissements inc. (Desjardins) et GP Wealth Management Corporation (GP Wealth), toutes deux membres de l’ACFM.
- Selon l’avis d’audience modifié, les allégations suivantes ont été formulées contre lui :
Allégation no 1 : Au cours de la période d’août 2016 à juillet 2019, l’intimé a emprunté de l’argent à des clients, s’engageant ainsi dans des opérations financières personnelles avec des clients, ce qui a donné lieu à des conflits d’intérêts réels ou potentiels qu’il n’a pas déclarés au membre ou qu’il ne s’est pas assuré de traiter en exerçant un jugement professionnel responsable fondé uniquement sur l’intérêt des clients, en contravention aux politiques et procédures du membre et aux Règles 2.1.4, 2.1.1, 2.5.1 et 1.1.2 de l’ACFM.
Allégation no 2 : Au cours de la période d’août 2016 à février 2019, ou vers cette période, l’intimé a exercé une activité externe sans avoir obtenu au préalable le consentement écrit du membre, en contravention aux politiques et procédures du membre et aux Règles 1.3, 2.1.1, 2.5.1 et 1.1.2 de l’ACFM.
Allégation no 3 : Au cours de la période du 18 avril 2017 au 3 janvier 2018, ou vers cette période, l’intimé a entré de fausses notes dans le système du membre pour expliquer les ventes de parts de fonds communs de placement effectuées dans les comptes de deux clients, en contravention à la Règle 2.1.1 de l’ACFM.
Allégation no 4 : Au cours de la période d’août 2016 à juillet septembre 2019, l’intimé a fait des déclarations fausses ou trompeuses à un membre concernant des listes de vérification liées à une mise à jour annuelle, et dans le cadre d’une enquête que le membre menait sur sa conduite, en contravention à la Règle 2.1.1 de l’ACFM.
- Selon l’exposé conjoint des faits daté du 22 mars 2022, l’intimé a reconnu que les faits décrits dans la partie 4 de cet exposé conjoint constituent une conduite fautive, comme l’allègue l’ACFM.
- Le seul but de la formation d’instruction est de déterminer la sanction et les frais qu’il convient d’imposer à l’intimé.
II. LES FAITS
- Les paragraphes de la section suivante constituent un résumé de l’exposé conjoint des faits.
- L’intimé était inscrit dans le secteur des valeurs mobilières d’avril 2006 à septembre 2019. Entre juillet 2014 et février 2019, il était inscrit en Ontario à titre de représentant de courtier chez Desjardins. Il a été directeur de succursale chez Desjardins de juillet 2014 à avril 2016. De février à septembre 2019, l’intimé était inscrit en Ontario à titre de représentant de courtier à GP Wealth.
- Le 24 septembre 2019, GP Wealth a mis fin à l’emploi de l’intimé lorsqu’elle a découvert la conduite décrite dans les présents motifs. À l’heure actuelle, l’intimé n’est pas inscrit à quelque titre que ce soit dans le secteur des valeurs mobilières.
- Durant toute la période des faits reprochés, l’intimé exerçait ses activités dans la région de Norwood, en Ontario.
i. Les allégations
a) Allégation no 1 – Opérations financières personnelles avec des clients
- L’intimé a emprunté de l’argent à huit différents clients pendant qu’il était inscrit chez Desjardins et travaillait pour cette société. Il n’a pas informé Desjardins de ces emprunts. Deux de ces emprunts ont été contractés auprès de clients vulnérables en raison de leur âge. Il a également emprunté de l’argent auprès d’une autre cliente dans le but de démarrer une entreprise de production de cannabis médicinal. Cette cliente comptait sur ses placements comme source de revenus. Environ la moitié de cet emprunt a été remboursé à la cliente par l’intimé. Pendant qu’il travaillait chez GP Wealth, l’intimé a emprunté de l’argent à trois clients, dont deux lui avaient déjà prêté de l’argent. Il n’a pas informé GP Wealth de ces emprunts. Le montant total des emprunts s’élevait à 919 315 $.
- Smockum a remboursé une grande partie de ces divers emprunts. Toutefois, il devait un montant important de 208 506,94 $ à d’anciens clients, qu’il n’a jamais remboursé. Le solde dû a été payé par Desjardins lorsque l’affaire a été portée à son attention.
b) Allégation no 2 – Activité externe
- L’intimé et son frère ont constitué une société à numéro, par l’intermédiaire de laquelle ils souhaitaient exploiter une entreprise de production de cannabis médicinal. L’intimé était un administrateur et un actionnaire de la société. La société n’a pas été en mesure d’obtenir le permis ni l’approbation appropriés du gouvernement.
- L’intimé n’a pas informé Desjardins ni GP Wealth de ces activités. Il était tenu d’obtenir une autorisation avant d’exercer une activité externe.
c) Allégation no 3 – Rédaction de fausses notes
- L’intimé a procédé à des ventes de parts dans les comptes de placement de deux clients, pour un montant total de 475 000 $. Dans chaque cas, il a indiqué dans les dossiers de Desjardins que les ventes de parts visaient à aider les clients à faire construire de nouvelles maisons. En fait, l’intimé cherchait plutôt à emprunter de l’argent au moyen de ces ventes de parts.
- Les sommes découlant de ventes de parts similaires effectuées pour un même client et un autre client ont été consignées en tant que fonds devant être utilisés pour l’achat de propriétés aux fins de la construction de maisons. En fait, l’intimé a utilisé ces ventes de part pour emprunter de l’argent.
d) Allégation no 4 – Déclarations fausses ou trompeuses aux membres
- Le 5 avril 2017 et le 22 mai 2018, l’intimé a déclaré dans une liste de vérification liée à une mise à jour annuelle de conformité chez Desjardins ne pas s’être mis en situation de conflit d’intérêts en empruntant de l’argent à des clients. Ces déclarations étaient manifestement trompeuses.
- Le 20 septembre 2019, deux clients ont informé GP Wealth que l’intimé leur avait emprunté des fonds, et, par conséquent, GP Wealth a ouvert une enquête sur la conduite de l’intimé. Lors de sa première entrevue avec GP Wealth, l’intimé a indiqué qu’il avait emprunté de l’argent à un seul client et que tous les fonds avaient été remboursés. Lorsque la situation réelle a été présentée à l’intimé, ce dernier a admis avoir emprunté de l’argent à huit clients, comme il est décrit plus haut.
- Aucune question ni préoccupation n’a été soulevée lors d’une enquête plus approfondie de GP Wealth, dans le cadre de laquelle la société a communiqué avec tous les clients de l’intimé.
- En acceptant l’exposé conjoint des faits, l’intimé a reconnu être responsable de la conduite fautive alléguée. L’ACFM admet que, ce faisant, « l’intimé a épargné à l’ACFM le temps, les ressources et les frais associés à la tenue d’une audience contestée portant sur les allégations ».
III. LA POSITION DE L’AVOCAT DE L’ACFM
- L’avocat de l’ACFM a soumis un document de 42 pages présentant ses observations. Il n’est pas nécessaire de les énoncer ici en détail. L’avocat de l’ACFM s’appuie sur l’exposé conjoint des faits, qui indique que l’intimé a eu une conduite contrevenant aux politiques et procédures du membre et aux Règles de l’ACFM, comme il est décrit dans les allégations 1, 2, 3 et 4 plus haut.
- Comme il a déjà été indiqué, le seul but du jury d’audience est de déterminer la sanction qu’il convient d’imposer à l’intimé. L’avocat de l’ACFM fait valoir que les sanctions appropriées devraient être les suivantes :
- une interdiction permanente de l’autorisation d’exercer des fonctions liées aux valeurs mobilières à quelque titre que ce soit pendant qu’il est au service d’un membre de l’ACFM ou qu’il est lié à un tel membre, en vertu de l’alinéa 24.1.1 e) du Statut no1 de l’ACFM;
- une amende de 325 000 $ en vertu de l’alinéa 24.1.1 b) du Statut no1 de l’ACFM;
- le paiement d’une somme de 10 000 $ au titre des frais, en vertu de l’article 24.2 du Statut no1 de l’ACFM.
- L’avocat de l’ACFM a souligné la gravité de la conduite fautive dans la présente affaire. L’intimé a emprunté un montant total de 919 315 $ auprès de huit clients sur une période de trois ans. Il n’a pas remboursé la somme de 208 506,94 $ à deux de ces clients.
- L’avocat de l’ACFM a soutenu que, en empruntant de l’argent à ses clients, l’intimé a eu une conduite fautive qui a engendré un conflit d’intérêts grave et brisé la confiance que lui témoignaient ses clients. L’intimé reconnait qu’il n’a pas informé ses clients ou ses employeurs du conflit d’intérêts, et qu’il n’a pas pris de mesures raisonnables pour régler ces conflits en exerçant un jugement professionnel responsable fondé uniquement sur les intérêts des clients.
- Le fait que l’intimé n’a pas été en mesure de rembourser une grande partie des sommes empruntées montre les conséquences nuisibles que peut avoir une telle activité, qui ne respecte en rien les exigences réglementaires. C’est uniquement parce que le membre a pris l’initiative d’indemniser les clients que les conséquences n’ont pas été plus graves.
- L’intimé a tiré parti de sa relation professionnelle avec ses clients pour en tirer un avantage financier et a mis l’argent de ses clients en jeu. Une telle conduite fautive, qui a procuré un avantage à la personne autorisée, M. Smockum, est considérée comme une contravention grave aux Règles de l’ACFM et aux politiques et procédures du membre.
- Voir Davies (Re), [2020] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 2020008, par. 58
- En outre, l’avocat soutient que le fait qu’une personne autorisée effectue des opérations financières personnelles avec des clients a toujours été considéré comme une contravention grave aux Règles de l’ACFM, laquelle est sanctionnée dans la plupart des cas par une interdiction de travailler dans le secteur et d’une amende importante.
- L’intimé a également manqué à son obligation de déclarer ses activités professionnelles externes à titre de propriétaire d’une société à numéro et d’administrateur de cette dernière. La société a été créée pour mener des activités liées au cannabis médicinal. L’intimé a emprunté de l’argent à une cliente pour financer la société, qu’il n’a en réalité jamais exploitée puisqu’il n’a pas réussi à obtenir l’approbation appropriée du gouvernement. L’intimé n’a pas informé Desjardins de cette activité externe, ce qu’il était tenu de faire.
- L’intimé a entré de fausses notes dans le système administratif du membre au sujet des ventes de parts dans le compte de deux clients, qui constituaient en réalité des emprunts. Cela a empêché Desjardins de découvrir le but des ventes de parts pour protéger ses clients. Une telle conduite donnait également lieu à un grave conflit d’intérêts.
- L’avocat de l’ACFM soutient que les sanctions proposées auront un effet dissuasif sur l’intimé à l’avenir et également un effet dissuasif général sur les autres, et qu’elles contribueront à protéger les investisseurs. À cet égard, l’avocat de l’ACFM a cité la décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans Re Mithras Management Ltd et al (1990) 13 O.S.C.B.1600, au paragraphe 1610 et la décision Cartaway Resources Corp. (Re) 2004 CSC, par. 61.
- Dans la présente affaire, l’avocat de l’ACFM soutient « que, selon les principes de la dissuasion spécifique et ceux de la dissuasion générale, le montant total de l’amende imposée par le jury d’audience doit être supérieur au montant emprunté que l’intimé n’a pas remboursé ». L’avocat a insisté sur le fait que l’intimé a bénéficié d’un avantage en l’espèce en faisant en sorte d’emprunter de l’argent sans avoir à payer les coûts liés aux prêts accordés par des institutions. De plus, tel qu’il est indiqué plus haut, l’intimé n’a pas entièrement remboursé l’argent emprunté à deux de ses clients, soit 208 506,94 $ au total.
- L’avocat de l’ACFM fait également valoir que, en ce qui concerne les principes de dissuasion générale et spécifique, des jurys d’audience antérieurs ont imposé des amendes qui, à tout le moins, correspondent à la remise de l’avantage financier que l’intimé a tiré de sa conduite fautive. Se reporter à Touissant (Re), [2011] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 201039, motifs de la décision sur les sanctions, 22 juin 2001. En même temps, il convient de tenir compte des sommes que l’intimé a réellement versées pour rembourser divers emprunts, bien qu’un montant important n’ait pas été remboursé. Il faut toutefois noter que, lorsque l’intimé a vendu sa propriété, il a utilisé le produit de la vente pour l’investir dans l’achat d’une autre propriété et rembourser à son père 20 000 $ de la somme que ce dernier lui avait prêtée, plutôt que de rembourser ses clients. En l’espèce, l’avocat de l’ACFM fait valoir que le montant de l’amende devrait être supérieur au montant que l’intimé n’a pas remboursé à ses clients, à savoir 208 506,94 $.
- L’avocat de l’ACFM soutient que le fait que Desjardins a remboursé le montant susmentionné aux clients de l’intimé ne constitue pas un facteur atténuant. Il cite la décision Re Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, 2021 LNONOSC 400, aux paragraphes 39 et 40, dans laquelle la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario déclare ce qui suit :
- [Traduction] Le fait que la banque a indemnisé le client visé pour les pertes qu’il a subies ne diminue en rien la gravité de la conduite malhonnête de l’intimé et n’a aucune incidence sur le montant du préjudice financier subi ni sur l’avantage financier obtenu.
- En ce qui concerne l’interdiction proposée, l’avocat de l’ACFM fait également valoir que la gravité de la conduite fautive dans la présente affaire justifie l’imposition de la sanction la plus sévère, à savoir l’interdiction d’exercer des activités liées aux valeurs mobilières dans le secteur de l’épargne collective, cette sanction étant nécessaire pour protéger le public.
IV. LA POSITION DE L’INTIMÉ
- Smockum a fait une déclaration sous serment, qui a été produite à l’audience, dans laquelle il décrit sa situation familiale et financière. M. Smockum est âgé de 48 ans. Il est marié et a six enfants, soit cinq enfants biologiques et un neveu, dont son épouse et lui ont obtenu la garde par ordonnance d’un tribunal. Les enfants sont âgés de 26, 24, 18, 12 et 8 ans. Cinq des six enfants vivent chez leurs parents et dépendent d’eux financièrement. L’enfant de huit ans souffre de graves problèmes de santé.
- En ce qui concerne les revenus du ménage, M. Smockum et son épouse occupent tous deux un emploi. Smockum travaille dans le domaine de la construction, et sa femme gère une garderie à son domicile. En 2019, le revenu net de M. Smockum était de 19 424 $, et celui de son épouse, de 8 020 $.
- En 2020, le revenu net du ménage était de 61 798 $. Celui de M. Smockum était de 32 496 $, et celui de son épouse, de 29 302 $. Ils n’ont pas soumis leur déclaration de revenus de 2021. Ils s’attendaient à ce que leur revenu net de 2021 soit similaire à celui de 2020.
- En 2020, le ménage a vendu sa maison à Norwood, en Ontario, pour 755 000 $. La maison avait été achetée à l’aide de deux emprunts hypothécaires – le premier de 525 000 $ avec un taux d’intérêt de 8 %, et le deuxième de 84 874,09 $. À la conclusion de la vente, le ménage a réalisé un gain en capital de 85 527,20 $. Smockum a versé 20 000 $ de ce montant à son père afin de lui rembourser une partie de sa dette de 60 000 $.
- En mai 2020, M. Smockum a acheté une nouvelle maison à Norwood, en Ontario, pour 426 000 $. La deuxième maison du ménage a été achetée à l’aide d’un emprunt hypothécaire de 400 000 $. En février 2021, la valeur de la maison a été évaluée à 540 000 $. Depuis, la valeur des maisons dans la région de Norwood a diminué.
- En mai 2022, la maison à Norwood susmentionnée a subi des dommages importants à cause d’une tornade. L’estimation du coût des réparations des dommages causés par la tempête était de 20 000 $. En même temps, M. Smockum et son épouse ont découvert que de l’eau fuyait des fondations de leur maison. Pour payer ces réparations, ils ont contracté un deuxième emprunt hypothécaire de 48 000 $, assorti de versements mensuels de 480 $.
- Smockum et son épouse ont tous deux contracté des emprunts personnels totalisant 24 555 $, assortis de taux d’intérêt de 35,99 %. Ils possèdent deux cartes de crédit Mastercard dont les soldes sont peu élevés. Ils possèdent également deux comptes chèques dont les soldes en espèces totalisent 4 102 $, ainsi que deux véhicules – un Dodge Ram 1500 de 2015 dont le kilométrage est d’environ 280 000 km et une fourgonnette Dodge de 2017 dont le kilométrage est d’environ 225 000 km.
- Smockum et son épouse n’ont pas d’actifs ni d’épargnes supplémentaires. Ils sont titulaires d’un compte REEE d’une valeur totale de 2 878,01 $. Cependant, selon eux, ces fonds constituent des « subventions » et ne peuvent pas être retirés.
- Tous les renseignements financiers susmentionnés sont tirés de la déclaration sous serment de M. Smockum. Ces faits n’ont pas été contestés.
- L’avocat de M. Smockum a souligné dans ses observations que l’intimé a exprimé des remords et a pleinement collaboré à l’enquête de l’ACFM. Il s’appuie sur les Lignes directrices sur les sanctions de l’ACFM, qui ont été citées dans des décisions antérieures de l’ACFM. Voici quelques-uns des principes énoncés dans ces Lignes directrices :
- la sanction imposée ne doit pas être punitive;
- la sanction ne devrait pas être disproportionnée;
- la sanction doit être proportionnelle à la conduite en cause;
- une sanction pécuniaire que la personne responsable n’a pas les moyens de payer ne peut être justifiée au motif qu’elle n’aura pas d’effet dissuasif sur d’autres personnes mieux nanties;
- une sanction ne devrait pas priver une personne de ses moyens de subsistance.
- L’avocat fait valoir que rien n’indique la raison pour laquelle l’amende proposée est de 325 0000 $. En outre, il soutient que cette somme est supérieure à 75 % du montant emprunté qui n’a pas été remboursé.
- L’avocat soutient également que l’intimé n’est tout simplement pas en mesure de payer le montant de l’amende proposée. Enfin, il fait valoir que le montant d’une amende raisonnable serait de 24 000 $, à verser sur une période de 24 mois.
V. LA CONCLUSION
- Nous convenons que la sanction appropriée dans la présente affaire devrait comprendre une interdiction permanente, comme le propose l’avocat de l’ACFM, ainsi qu’une amende et des frais élevés. Nous nous pencherons maintenant sur le montant de l’amende.
- Le montant de l’amende proposée par l’avocat de l’intimé est tout simplement irréaliste. Il se fonde uniquement sur la situation actuelle de l’intimé et sur les renseignements qu’il a fournis au sujet de sa situation familiale difficile. Il ne tient pas compte du fait que l’intimé a emprunté la somme considérable de 919 315 $ à ses clients et que ses emprunts non remboursés s’élèvent à 208 506,94 $. Bien que Desjardins ait remboursé cette somme aux clients touchés, cela ne change rien au fait que l’intimé a obtenu cet argent d’une manière qui constitue une contravention grave aux règlements relatifs aux conflits d’intérêts.
- Dans des décisions antérieures soumises à l’ACFM, les sanctions pour ce genre de contravention comprennent le paiement d’une somme supérieure au montant emprunté, même lorsque l’intimé a entièrement remboursé les clients, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire. Les montants de ces sanctions vont de 25 000 $ à 300 000 $, comme on peut le voir dans la jurisprudence suivante :
- Yalkezian (Re), [2022] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 202164, motifs de la décision datés du 3 mars 2022
- Chapman (Re), [2021] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 201934, motifs de la décision sur les sanctions publiés le 22 juin 2021
- Le manquement de l’intimé à son obligation de déclarer une activité professionnelle externe au membre n’est pas anodin et n’est pas une contravention mineure. L’intimé avait l’intention d’exploiter une entreprise à des fins lucratives, information qui aurait permis à son employeur de déterminer si cette activité aurait une incidence sur ses relations avec ses clients et ses obligations à leur égard. Dans de tels cas, les amendes imposées dans des décisions antérieures vont de 35 000 $ à 250 000 $.
- Wemple (Re), [2017] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 201654, motifs de la décision datés du 9 juin 2017
- Notis (Re), [2019] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 201953, motifs de la décision datés du 4 décembre 2019
- La prise de notes dans le système de tenue de dossiers du membre a pour objectif de s’assurer qu’il existe une piste de vérification convenable pour les opérations avec les clients. L’intimé a saisi des renseignements trompeurs sur l’objet des ventes des parts des clients. De cette manière, l’intimé a dissimulé au membre le fait qu’il effectuait en réalité des emprunts à des fins personnelles. Si le membre en avait été informé, il aurait mis fin au comportement et empêché que d’autres préjudices soient causés aux clients. Dans le cas où des notes trompeuses ont été saisies avec l’intention d’induire le membre en erreur, les amendes qui ont été imposées vont de 15 000 $ à 20 000 $.
- Botescu (Re), [2020] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 202008, motifs de la décision datés du 11 mai 2020
- Jain (Re), [2011] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 201130, motifs de la décision datés du 14 mars 2012
- Un autre facteur aggravant est l’information trompeuse qui a été fournie aux deux employeurs de l’intimé. Celui-ci a indiqué qu’il n’avait pas emprunté d’argent auprès de clients, ce qui n’était évidemment pas le cas. Dans les cas où le membre a été induit en erreur, les amendes qui ont été imposées vont de 13 500 $ à 25 000 $.
- Davidson (Re), [2021] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 202018, motifs de la décision datés du 29 juin 2021
- Bilton (Re), [2020] jury d’audience du conseil régional du Centre, dossier de l’ACFM no 202005, motifs de la décision datés du 14 avril 2020
- Nous avons étudié les facteurs atténuants à prendre en considération en faveur de l’intimé : l’absence d’antécédents disciplinaires, ainsi que sa coopération avec l’ACFM et la reconnaissance de sa conduite fautive dans l’exposé conjoint des faits, ce qui a épargné à l’ACFM le temps et les frais associés à la tenue d’une audience contestée.
- Selon nous, l’imposition d’une amende de 275 000 $ à payer sur une période de 24 mois constitue une sanction appropriée dans la présente affaire.
- En conséquence, nous ordonnons que l’intimé soit assujetti à une interdiction permanente d’exercer toute activité liée aux valeurs mobilières à quelque titre que ce soit pendant qu’il est au service d’un membre de l’ACFM ou qu’il est lié à un tel membre, en vertu de l’alinéa 24.1.1 e) du Statut no1 de l’ACFM, et qu’il paie une amende de 275 000 $ en vertu de l’alinéa 24.1.1 b) du Statut no 1 de l’ACFM ainsi qu’une somme de 10 000 $ au titre des frais en vertu de l’article 24.2 du Statut no 1 de l’ACFM.
-
L’honorable Robert P. Armstrong, c.r.L’honorable Robert P. Armstrong, c.r.Président
-
Brigitte J. GeislerBrigitte J. GeislerMembre représentant le secteur
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Guenther W. K. KlebergGuenther W. K. KlebergMembre représentant le secteur
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