
AUDIENCE DE RÈGLEMENT TENUE EN VERTU DE L’ARTICLE 24.4 DU STATUT NO 1 DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DES COURTIERS DE FONDS MUTUELS
Re Bryan Brooks Church
Motifs de la décision
Jury d'audition du conseil régional des Prairies:
- Richard Yaffe, K.C., Président
- Birju Shah, Membre représentant le secteur
- Greg Wiebe, Membre représentant le secteur
Appearances:
Audrey Smith, Avocate de la mise en application pour l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels
Bryan Brooks Church, Intimé
I. LE CONTEXTE ET LES CONTRAVENTIONS
- Par avis d’audience daté du 30 juillet 2021, un jury d’audience (jury) du conseil régional des Prairies de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) a été convoqué à siéger par Webex le 30 septembre 2021 pour déterminer si, en vertu de l’article 24.4 du Statut no1 de l’ACFM, le jury devrait accepter l’entente de règlement (l’entente de règlement) conclue entre le personnel de l’ACFM et Bryan Brooks Church (l’intimé) le 30 juillet 2021 relativement à des questions pour lesquelles l’intimé pourrait être sanctionné en tant que personne autorisée en vertu de l’article 24.1.1 du Statut no 1 de l’ACFM.
- L’entente de règlement porte sur les allégations selon lesquelles l’intimé :
- entre le 23 septembre 2014 et le 28 février 2021, a obtenu et a eu en sa possession 25 formulaires présignés et, dans certains cas, a utilisé ces formulaires pour effectuer des opérations relativement à 17 clients, en contravention à la Règle 2.1.1 de l’ACFM;
- entre le 10 avril 2014 et le 28 février 2021, a modifié 60 formulaires de comptes relatifs à 48 clients et les a utilisés pour effectuer des opérations en modifiant des renseignements sans avoir demandé aux clients de parapher ces modifications, en contravention à la Règle 2.1.1 de l’ACFM.
II. LES FAITS
- L’intimé est inscrit dans la province du Manitoba depuis janvier 2010 dans le secteur des valeurs mobilières.
- L’intimé est inscrit depuis le 11 septembre 2014 au Manitoba à titre de représentant de courtier au sein d’Investia Services financiers inc. (Investia), un membre de l’ACFM.
- Durant la période des faits reprochés, l’intimé exerçait ses activités dans la région de Souris, au Manitoba.
- Durant la période des faits reprochés, les politiques et procédures d’Investia interdisaient aux personnes autorisées d’obtenir, de détenir ou d’utiliser des formulaires de compte présignés, ou de modifier les formulaires de comptes après que les clients les eurent signés.
- Entre le 23 septembre 2014 et le 28 février 2021, l’intimé a obtenu et a eu en sa possession 25 formulaires de comptes présignés et, dans certains cas, les a utilisés pour effectuer des opérations, relativement à 17 clients.
- Les formulaires de comptes présignés comprenaient 2 formulaires de paiement d’aide aux études REEE, 6 formulaires d’ouverture de compte de placement, 3 formulaires de mise à jour des renseignements sur le client, 6 formulaires d’instructions systématiques, 6 formulaires de transfert et 2 formulaires d’ouverture de compte (nouveau client).
- Entre le 10 avril 2014 et le 28 février 2021, l’intimé a modifié 60 formulaires de comptes relativement à 48 clients, et les a utilisés pour effectuer des opérations, en modifiant des renseignements sur les formulaires sans avoir demandé aux clients de les parapher.
- Les formulaires de comptes modifiés comprenaient 14 formulaires d’ouverture de compte (nouveau client), 1 formulaire d’ouverture de compte RER, 13 formulaires de transfert, 8 formulaires de mise à jour des renseignements sur le client, 6 formulaires d’instructions concernant les ordres, 1 formulaire sur les honoraires, 10 formulaires d’instructions systématiques et 7 formulaires d’ouverture de compte.
- Les modifications aux formulaires comprenaient des changements à la tolérance au risque des clients, aux montants des retraits, aux objectifs de placement, au revenu, à l’avoir net, au type de régime, au code de fonds et à l’horizon de placement.
- Au cours d’un examen en succursale, Investia a découvert plusieurs des formulaires de compte décrits ci-dessus. En mai 2019, Investia a effectué un examen complet des dossiers des clients tenus par l’intimé et a découvert d’autres formulaires de compte décrits ci-dessus.
- Le 6 septembre 2019, Investia a envoyé à tous les clients dont les comptes étaient tenus par l’intimé une lettre accompagnée d’un historique des opérations sur trois ans pour chacun d’entre eux. En ce qui concerne les formulaires présignés ou modifiés qu’Investia a découverts et qui contenaient des renseignements sur la connaissance du client, Investia a envoyé aux clients une copie des renseignements sur la connaissance du client figurant au dossier et leur a demandé de s’assurer que l’information était exacte. En ce qui concerne les autres types de formulaires de compte présignés ou modifiés, Investia a demandé aux clients de vérifier l’exactitude de l’historique de leurs opérations et de communiquer avec Investia en cas d’irrégularité. Aucun client n’a signalé de problème en réponse à ces lettres.
- Le 8 août 2019, l’intimé a signé une lettre d’engagement dans laquelle il acceptait de se conformer aux politiques et procédures d’Investia à l’avenir. Le 23 décembre 2019, Investia a terminé sa surveillance stricte de l’intimé et lui a transmis une lettre de mise en garde concernant les formulaires de compte présignés et modifiés décrits ci-dessus.
- Le 2 avril 2021, Investia a effectué un autre audit des comptes de clients tenus par l’intimé et a découvert 8 autres formulaires de comptes décrits ci-dessus. À la suite de l’audit, Investia a envoyé à tous les clients dont les comptes étaient tenus par l’intimé une lettre accompagnée d’un historique des opérations sur trois ans pour chacun d’entre eux. En ce qui concerne les formulaires présignés ou modifiés qu’Investia a découverts et qui contenaient des renseignements sur la connaissance du client, Investia a envoyé aux clients une copie des renseignements sur la connaissance du client figurant au dossier et leur a demandé de s’assurer que l’information était exacte. En ce qui concerne les autres types de formulaires de compte présignés ou modifiés, Investia a demandé aux clients de vérifier l’exactitude de l’historique de leurs opérations et de communiquer avec Investia en cas d’irrégularité. Aucun client n’a signalé de problème en réponse à ces lettres.
- Le 2 juin 2021, Investia a imposé à l’intimé une surveillance stricte de 90 jours minimum. L’intimé a versé à Investia une somme additionnelle de 542 $ composée de frais d’administration et de frais pour les lettres envoyées aux clients.
III. L’ANALYSE
- Il n’y a aucune preuve attestant que l’intimé a tiré un avantage financier de la conduite décrite précédemment à part les commissions et honoraires qu’il aurait normalement eu le droit de toucher si les opérations avaient été exécutées correctement.
- Rien n’indique que des clients ont subi des pertes ou déposé des plaintes, ou que des autorisations n’ont pas été obtenues.
- L’intimé n’avait jamais été visé par une instance disciplinaire de l’ACFM auparavant.
- L’intimé a coopéré avec le personnel de l’ACFM tout le long de l’enquête et des présentes procédures, et a reconnu les allégations.
- En reconnaissant les faits et les contraventions décrits ci-dessus, l’intimé a épargné à l’ACFM le temps, les ressources et les coûts associés à la tenue d’une audience complète sur le fond.
- Les facteurs aggravants dans la présente affaire sont la nature et l’étendue de la conduite fautive. Le fait d’obtenir et ensuite de remplir et d’utiliser des formulaires présignés, la modification de formulaires de compte sans avoir demandé aux clients de les parapher, et l’utilisation de photocopies de pages de signature constituent des contraventions qui touchent le cœur même de l’autoréglementation au sein du secteur. La gravité des contraventions est exacerbée par le nombre de formulaires obtenus par l’intimé et le nombre de clients concernés. Le respect rigoureux des règles et des procédures relatives à l’utilisation des formulaires de compte joue un rôle central dans un régime d’autoréglementation qui permet à un membre de surveiller les comptes de clients.
- Le fait que les formulaires en cause ont été traités après la publication par l’ACFM du Bulletin no0661-E le 2 octobre 2015 (le Bulletin) constitue un autre facteur aggravant. Dans le Bulletin, le personnel de l’ACFM informait les membres et les personnes autorisées qu’il réclamerait des sanctions plus sévères dans le cadre de ses instances disciplinaires portant sur des conduites postérieures à la publication du Bulletin.
- L’expérience de l’intimé représente un facteur aggravant supplémentaire. L’intimé était inscrit dans le secteur des valeurs mobilières depuis 2010 et était inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective chez Investia depuis 2014, et il se devait de connaître et de respecter les exigences en matière de conformité de l’ACFM et d’Investia.
- Pour ce qui est des facteurs atténuants en l’espèce, l’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire, aucun client n’a déposé de plainte et il n’existe pas de preuve de préjudice ou de perte pour les clients.
- Dans des affaires précédentes, des jurys d’audience de l’ACFM ont tenu compte des considérations suivantes pour déterminer si une entente proposée devait être acceptée[1]:
- L’acceptation de l’entente de règlement est-elle dans l’intérêt public, et les sanctions imposées protégeront-elles les investisseurs?
- L’entente de règlement est-elle raisonnable et proportionnée, compte tenu de la conduite de l’intimé qui y est exposée?
- L’entente de règlement assure-t-elle de manière satisfaisante la dissuasion spécifique et générale à l’égard de l’intimé et du secteur, respectivement?
- Le règlement proposé contribuera-t-il à prévenir à l’avenir le type de conduite décrit dans l’entente de règlement?
- L’entente de règlement favorise-t-elle la confiance dans l’intégrité des marchés financiers canadiens?
- L’entente de règlement favorise-t-elle la confiance dans l’intégrité de l’ACFM?
- L’entente de règlement favorise-t-elle la confiance dans le processus réglementaire?
- La protection des investisseurs est considérée comme l’objectif fondamental de la réglementation des valeurs mobilières. La réglementation doit aussi favoriser la confiance du public dans les marchés financiers et le secteur des valeurs mobilières[2].
- Les sanctions imposées doivent être suffisantes pour assurer la confiance du public dans la réglementation du secteur de l’épargne collective et avoir un effet dissuasif.
- Les principes généraux applicables lors de l’imposition de sanctions ont été présentés et le jury les a pris en considération.
- L’avocat de l’ACFM a aussi passé en revue avec le jury les diverses affaires de l’ACFM et les sanctions imposées dans chaque cas.
- Le jury peut accepter ou rejeter l’entente de règlement recommandée (article 24.4.3 du Statut no1 de l’ACFM). En outre, la pratique acceptée veut que les jurys d’audience ne s’ingèrent pas à la légère dans un règlement négocié.
IV. LES MODALITÉS DU RÈGLEMENT
- Au terme de l’audience, le jury a approuvé l’entente de règlement conclue entre les parties qui prévoit notamment les sanctions suivantes :
- L’intimé doit payer une amende de 17 500 $, en vertu de l’alinéa 24.1.1 b) du Statut no1 de l’ACFM;
- L’intimé doit payer une somme de 2 500 $ au titre des frais, en vertu de l’article 24.2 du Statut no1 de l’ACFM;
- L’intimé devra à l’avenir se conformer à la Règle 2.1.1 de l’ACFM;
- Si, à quelque moment que ce soit, une personne qui n’est pas partie à la présente instance, à l’exception des entités énoncées à l’article 23 du Statut no1 de l’ACFM, demande dans le cadre de l’instance la production de pièces ou l’accès à des pièces qui contiennent des renseignements personnels tels que définis dans la politique sur la confidentialité de l’ACFM, le secrétaire général de l’ACFM ne fournira pas de copies des pièces demandées ou n’y donnera pas accès sans avoir préalablement caviardé tous les renseignements personnels, conformément aux paragraphes 1.8 2) et 5) des Règles de procédure de l’ACFM.
- Nous sommes convaincus que la sanction convenue est raisonnable et que l’entente de règlement sert l’intérêt public, et nous concluons à l’unanimité qu’elle devrait être acceptée.
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Richard Yaffe, K.C.Richard Yaffe, K.C.Président
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Birju ShahBirju ShahMembre représentant le secteur
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Greg WiebeGreg WiebeMembre représentant le secteur
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