
AUDIENCE DE RÈGLEMENT TENUE EN VERTU DE L’ARTICLE 24.4 DU STATUT NO 1 DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DES COURTIERS DE FONDS MUTUELS
Re Queen Financial Group Inc.
Motifs de la décision
Jury d'audition du conseil régional du Centre:
- Emily Cole, Présidente
- Edward Jackson, Membre représentant le secteur
- Joseph Yassi, Membre représentant le secteur
Appearances:
Shelly Feld, Directeur et avocat en chef aux litiges pour l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels
Anna Markiewicz, Avocate de l’intimée
Charles Jiang, President, Président, Queen Financial Group Inc.
I. INTRODUCTION
- L’audience de règlement a été tenue en vertu de l’article 24.4 du Statut no1 de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (l’ACFM). Le jury d’audience a écourté la durée de la période d’avis à la demande conjointe des parties.
- L’instance découle d’une inspection de la conformité des ventes. La question porte sur l’obligation de connaître son produit. Aucune plainte n’a été formulée contre l’intimée, et aucun préjudice financier n’a été causé à des clients.
- Le président de l’intimée s’est adressé au jury lors de l’audience et a accepté l’entière responsabilité de la contravention. En juillet 2022, l’intimée a embauché un nouveau responsable de la conformité doté d’une expérience particulière en produits du marché dispensé pour s’assurer que tous les nouveaux produits seraient dûment approuvés par l’intimée et que toutes ses obligations en matière de connaissance des produits seraient respectées.
- Une entente de règlement signée par le personnel et l’intimée le 12 décembre 2022 (l’entente de règlement) a été soumise à notre examen. Dans l’entente de règlement, l’intimée a reconnu la conduite fautive suivante :
[TRADUCTION] L’intimée admet qu’entre le 1er janvier 2017 et le 6 avril 2020, elle a approuvé et autorisé la vente de sept produits dispensés (les produits) sans procéder au contrôle préalable adéquat pour comprendre les attributs, les caractéristiques et les risques importants des produits et sans s’assurer que les produits offerts aux clients leur convenaient, en contravention au paragraphe c) de la Règle 2.2.1[1] et à la Règle 2.1.1 de l’ACFM.
- Après avoir entendu les observations des parties, le jury d’audience a établi que l’intimée avait enfreint le paragraphe c) de la Règle 2.2.1 et la Règle 2.1.1 de l’ACFM, en s’appuyant sur les faits présentés dans l’entente de règlement et les aveux susmentionnés. Nous avons alors réfléchi à la sanction appropriée.
- Après avoir examiné attentivement l’entente de règlement et tenu compte des observations formulées par les parties lors de l’audience, nous avons pris une décision concernant les sanctions. Nous en avons informé les parties.
- Vu les circonstances, nous avons décidé que la sanction appropriée était la suivante :
- l’intimée doit payer une amende de 30 000 $ en fonds certifiés à la date où l’entente de règlement est acceptée par un jury d’audience, en vertu du paragraphe 24.1.2 b) du Statut no1 de l’ACFM;
- l’intimée doit payer une somme de 7 500 $ au titre des frais en fonds certifiés à la date où l’entente de règlement est acceptée par un jury d’audience, en vertu de l’article 24.2 du Statut n 1 de l’ACFM;
- l’intimée devra à l’avenir se conformer au paragraphe c) de la Règle 2.2.1 et à la Règle 2.1.1 de l’ACFM.
- Vous trouverez ci-dessous les motifs de notre décision :
II. FAITS CONVENUS
i. Historique de l’inscription
- L’intimée est inscrite en tant que courtier en épargne collective en Ontario et est membre de l’ACFM depuis octobre 2006. Elle était inscrite à titre de courtier en épargne collective en Colombie-Britannique du 5 février 2008 au 1erjanvier 2013 et l’est à nouveau depuis le 30 août 2017.
- L’intimée est inscrite en tant que courtier sur le marché dispensé en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec depuis les dates indiquées ci-dessous ou l’a été durant les périodes indiquées ci-dessous :
- en Ontario depuis le 6 mars 2008;
- en Colombie-Britannique, du 18 octobre 2010 au 31 décembre 2013, et depuis le 30 août 2017;
- au Québec depuis le 3 décembre 2014.
Structure de la société
- Le siège social de l’intimée est situé à Markham, en Ontario (le siège social). Au 1ernovembre 2022, 59 personnes autorisées étaient inscrites auprès de l’intimée et exerçaient leurs activités à partir du siège social, de deux succursales supplémentaires situées à Richmond, en Colombie-Britannique, et d’une sous-succursale située à Saint-Laurent, au Québec. D’après le montant des actifs qu’elle administre, l’intimée est un courtier en épargne collective de petite taille par rapport aux autres membres de l’ACFM.
III. CONTEXTE
- Le 31 octobre 2005, l’ACFM a publié l’Avis APA‑0048 du personnel de l’ACFM, Connaissance du produit dont le but était de clarifier les obligations des membres et des personnes autorisées quant à l’approbation et à la vente de produits de placement. Cet avis stipule notamment que :
[TRADUCTION] Les exigences liées à la connaissance du client sont fondamentales pour s’acquitter des obligations de base en matière de convenance au client. Toutefois, ces obligations ne peuvent être correctement satisfaites que si les personnes autorisées et le personnel de surveillance du membre comprennent également parfaitement les produits qui sont recommandés aux clients… Il faut procéder à un contrôle préalable de base pour tous les produits que le membre envisage de vendre, avant qu’ils ne soient approuvés. Les procédures du membre doivent prévoir différents niveaux d’analyse pour les différents types de produits. Par exemple, il n’est peut-être pas nécessaire de réaliser un examen formel approfondi de bon nombre de fonds communs de placement classiques. En revanche, les produits nouveaux ou de structure plus complexe doivent faire l’objet d’un examen plus complet… Pour déterminer s’il convient d’approuver la vente d’un produit, le membre ne doit pas s’appuyer purement sur les déclarations de l’émetteur, ni sur la ressemblance du produit à d’autres produits ou sur le fait que d’autres sociétés l’offrent déjà. Le processus d’approbation doit toujours être indépendant et objectif. Le membre doit savoir qu’il ne lui suffit pas de se renseigner pour s’acquitter de ses responsabilités de procéder à un contrôle préalable. Le membre doit assurer correctement le suivi de toutes les questions qu’il a posées jusqu’à ce qu’il soit certain de comprendre parfaitement les produits qu’il songe à vendre… Il est essentiel que le membre comprenne bien toutes les caractéristiques du produit. Il faut examiner par exemple la liquidité du produit et la nature de tous les placements sous-jacents ainsi que leurs risques inhérents avant d’attribuer une cote de risque au produit. Le membre doit élaborer des directives ou établir un profil d’investisseur auquel conviendrait généralement le produit, en définissant notamment les niveaux de risque, l’horizon de placement, le revenu et la valeur nette. Le membre doit aussi identifier clairement les investisseurs auxquels le produit ne convient pas. Des limites de concentration doivent être rattachées aux produits ou aux catégories générales de produits, s’il y a lieu… Une pratique exemplaire consiste à confier à un comité constitué de hauts dirigeants du membre le pouvoir de valider en dernier recours l’approbation des produits, pour s’assurer que toutes les unités d’affaires du membre ont approuvé le produit avant sa vente.
- L’avis APA-0048 précise aussi que les « membres devraient accorder une attention particulière à l’examen des questions liées à la convenance dans le cas des titres dispensés » et contient des directives supplémentaires pour l’approbation et la vente de produits dispensés.
Inspections de conformité des ventes de 2019
- En 2019, le personnel de la Conformité de l’ACFM (la Conformité de l’ACFM) a procédé à une inspection de conformité des ventes de l’intimée pour évaluer sa conformité aux statuts, règles et principes directeurs de l’ACFM (l’inspection de conformité des ventes de 2019); à l’issue de cette inspection, il a remis à l’intimée un rapport daté du 6 avril 2020 récapitulant les lacunes en matière de conformité observées au cours de l’inspection (le rapport de conformité des ventes de 2020).
- L’inspection de conformité des ventes de 2019 portant sur les activités de l’intimée couvrait la période allant du 1erjanvier 2017 au 31 août 2019.
- Au cours de l’inspection de conformité des ventes de 2019, la Conformité de l’ACFM a relevé des lacunes en ce qui concerne le processus de contrôle préalable de l’intimée pour l’approbation des nouveaux produits. Plus précisément, l’intimée n’a pas procédé au contrôle préalable adéquat ni consigné de renseignements adéquats pour démontrer sa compréhension de tous les renseignements importants pertinents quant à la convenance des produits dont elle a approuvé la vente à ses clients par les personnes autorisées. Par conséquent, l’intimée n’a pas rempli ses obligations de connaissance du produit en ce qui concerne ces produits.
- Après avoir reçu le rapport de conformité des ventes de 2020, l’intimée a proposé des mesures qu’elle acceptait de prendre pour corriger les lacunes de conformité mises en évidence dans le rapport, y compris celles qui se rapportaient à son processus de connaissance du produit (les lacunes liées à la connaissance du produit).
Lacunes de l’intimée sur le plan de la conformité en matière de connaissance du produit
- La Conformité de l’ACFM avait constaté diverses lacunes liées à la connaissance du produit de l’intimée lors d’inspections antérieures de conformité des ventes de l’ACFM remontant à 2013.
- Dans certains cas, l’intimée n’a pas obtenu les renseignements importants nécessaires pour évaluer les produits dispensés qu’elle avait l’intention de permettre à ses personnes autorisées de vendre. Dans d’autres cas, l’intimée a prétendu avoir obtenu les renseignements pertinents, mais n’a pas dûment consigné le contrôle préalable auquel elle a procédé avant d’approuver la vente des produits dispensés par ses personnes autorisées. Les lacunes liées à la connaissance du produit ont limité la capacité de l’intimée d’offrir aux personnes autorisées l’orientation et la surveillance nécessaires pour s’assurer qu’elle s’acquittait de ses obligations de convenance quant aux produits dispensés dont elle autorisait la vente aux clients.
- Après avoir été informée des lacunes liées à la connaissance du produit dans le cadre des inspections de conformité des ventes préalables à celle de 2019, l’intimée a préparé une liste modèle de renseignements à obtenir, examiner et analyser pour chaque produit dispensé dont elle envisageait d’approuver la vente par ses personnes autorisées (le modèle de connaissance du produit) afin que son processus de connaissance des nouveaux produits potentiels soit à la hauteur. Cependant, même après sa mise au point, l’intimée n’a pas utilisé ce modèle de connaissance du produit comme elle aurait dû le faire pour corriger les lacunes liées à la connaissance du produit.
- Au cours de l’inspection de la conformité des ventes de 2019, la Conformité de l’ACFM a constaté que l’intimée n’avait pas procédé au contrôle préalable adéquat durant le processus d’approbation de sept produits à vendre à ses clients. Parmi les produits, deux étaient dotés d’une structure unique et complexe qui promettait aux investisseurs une participation indirecte dans certaines sociétés de premier plan non cotées en bourse lorsque la vente des produits a été approuvée. Bien qu’elle ait obtenu une copie d’un diaporama de l’émetteur résumant certaines des caractéristiques des deux produits dispensés, l’intimée n’a pas recueilli suffisamment de documentation auprès des émetteurs ou consigné les renseignements adéquats dans le modèle de connaissance du produit préparé à l’égard de l’un des produits pour s’acquitter de ses obligations de connaissance du produit lors de l’approbation de la vente des produits à ses clients.
- Voici le nombre d’investisseurs ayant acheté les produits et les dates de ces opérations :
Produit 1 – Société en commandite Acheté par 4 clients en novembre 2017.
Produit 2 – Société en commandite Acheté par 4 clients entre octobre et décembre 2018.
Produit 3 – Société en commandite Acheté par 1 client en novembre 2018.
Produit 4 – Actions privilégiées d’une société de placement hypothécaire Acheté par 34 clients de janvier 2018 à septembre 2019 et par 2 autres clients de septembre 2019 à mars 2021.
Produit 5 – Obligation d’une société de placement hypothécaire Acheté par 3 clients en juillet 2019 avant l’inspection de conformité des ventes de l’ACFM et par 1 autre client en septembre 2019.
Produit 6 – Société de placement hypothécaire Acheté par 10 clients d’octobre 2018 à avril 2019 avant l’inspection de conformité des ventes de l’ACFM et par 1 autre client en septembre 2019.
Produit 7 – Parts de fiducie Acheté par 4 clients de décembre 2017 à janvier 2018.
- L’intimée admet qu’avant la publication du rapport de conformité des ventes de 2020, le 6 avril 2020, elle n’a pas adéquatement corrigé les lacunes liées à la connaissance du produit dans une mesure où elle aurait dû le faire pour s’assurer que les produits que les personnes autorisées étaient autorisées à vendre aux clients convenaient à ces derniers.
- Voici un aperçu des lacunes liées à la connaissance du produit indiquées dans le rapport de conformité des ventes de 2020 :
- l’intimée n’a pas veillé à obtenir systématiquement tous les documents essentiels nécessaires à la compréhension et à l’évaluation des produits dont elle a approuvé la vente par ses personnes autorisées, tels que les documents de placement, les sommaires des modalités types et les états financiers;
- l’intimée n’a pas obtenu de renseignement précis sur la structure de placement des produits;
- l’intimée n’a pas obtenu suffisamment de renseignements sur les produits pour évaluer, déterminer et consigner correctement :
- les objectifs de placement de certains des produits;
- le montant de la rémunération auquel une personne autorisée était admissible pour avoir vendu certains des produits;
- la nature et la portée des conflits d’intérêts potentiels associés à certains des produits;
- les coûts pour les investisseurs de détenir certains des produits;
- les rendements projetés que les investisseurs pourraient raisonnablement s’attendre à recevoir sur certains des produits;
- une méthodologie de calcul de la valeur du placement que les clients acquerraient ou détiendraient après la date d’achat des produits, pour deux des produits;
- une évaluation de la situation financière et de l’expérience de gestion des émetteurs de certains des produits;
- l’ampleur des limites s’appliquant à la liquidité des placements dans certains des produits et la détermination des actifs (p. ex., espèces ou actions) que les investisseurs seraient en droit de recevoir s’ils souhaitaient faire racheter leurs placements dans ces produits.
- Les lacunes de l’intimée en matière de connaissance du produit ont limité la capacité de ses personnes autorisées et de son personnel de la conformité chargé de surveiller les opérations de s’assurer que les produits convenaient aux clients auxquels ils étaient offerts, en contravention aux Règles 2.2.1 et 2.1.1 de l’ACFM.
- Après avoir reçu le rapport de conformité des ventes de 2020, l’intimée a contacté l’émetteur des deux produits particuliers dont elle avait approuvé la vente (voir le paragraphe 19 ci-dessus) et a obtenu les documents et renseignements qu’elle aurait dû examiner et analyser avant d’autoriser la vente de ces produits.
- L’intimée déclare qu’elle a passé en revue les ventes de chacun des produits à ses clients en examinant les formulaires de renseignements sur le client pour chaque client à qui les produits ont été vendus ainsi que les renseignements pertinents ayant trait à l’attestation d’investisseur qualifié pour s’assurer que chaque opération était appropriée.
Facteurs supplémentaires
- L’intimée n’a pas d’antécédents disciplinaires auprès de l’ACFM.
- L’intimée a collaboré avec l’ACFM au cours du processus d’enquête
- Rien ne prouve que la conduite fautive de l’intimée ait causé un préjudice financier aux clients. Toutefois, la situation financière des produits n’est pas rendue publique.
- Aucun client n’a déposé de plainte auprès de l’intimée ou de l’ACFM à propos des produits dispensés achetés dans des comptes de placement ouverts auprès de l’intimée. L’intimée reconnaît que si elle reçoit des plaintes de clients à l’avenir, elle se conformera à ses obligations de traitement des plaintes.
- Les investisseurs qui ont acheté les produits ont reçu des documents les avertissant de certains risques associés aux produits, dont des mises en garde générales indiquant que les placements dans les produits étaient risqués et qu’ils pouvaient perdre de l’argent et ne pas être en mesure de vendre leurs placements rapidement, voire de les vendre purement et simplement. Les investisseurs qui ont acheté six des sept produits ont reçu de la documentation indiquant explicitement qu’ils pouvaient perdre la totalité de leur placement dans ces produits.
- En juillet 2022, l’intimée a retenu les services d’un nouveau responsable de la conformité doté d’une expérience particulière en produits du marché dispensé pour s’assurer que tous les nouveaux produits seraient dûment approuvés par l’intimée et que toutes ses obligations en matière de connaissance des produits seraient respectées.
IV. ANALYSE
- À l’époque de la conduite fautive admise en l’espèce, l’obligation de connaître son produit était intégrée au paragraphe c) de la Règle 2.2.1 de l’ACFM, « Connaissance du client », qui stipulait alors :
2.2.1 « Connaissance du client ». Chaque membre et chaque personne autorisée doit faire preuve de la diligence voulue pour :
- veiller à ce que chaque ordre accepté ou recommandation faite à l’égard d’un compte d’un client convienne à celui-ci et corresponde à ses objectifs de placement.
Paragraphe c) de la Règle 2.2.1 de l’ACFM
- En 2005, l’ACFM a fourni des conseils sur l’obligation de connaître son produit dans l’Avis APA‑0048 du personnel, « Connaissance du produit ».
[TRADUCTION] Les exigences liées à la connaissance du client sont fondamentales pour s’acquitter des obligations de base en matière de convenance au client. Toutefois, ces obligations ne peuvent être correctement satisfaites que si les personnes autorisées et le personnel de surveillance du membre comprennent également parfaitement les produits qui sont recommandés aux clients… Il faut procéder à un contrôle préalable de base pour tous les produits que le membre envisage de vendre, avant qu’ils ne soient approuvés. Les procédures des membres doivent prévoir différents niveaux d’analyse pour les différents types de produits. Par exemple, il n’est peut-être pas nécessaire de réaliser un examen formel approfondi de bon nombre de fonds communs de placement classiques. En revanche, les produits nouveaux ou de structure plus complexe doivent faire l’objet d’un examen plus complet… Pour déterminer s’il convient d’approuver la vente d’un produit, le membre ne doit pas s’appuyer purement sur les déclarations de l’émetteur, ni sur la ressemblance du produit à d’autres produits ou sur le fait que d’autres sociétés l’offrent déjà. Le processus d’approbation doit toujours être indépendant et objectif. Le membre doit savoir qu’il ne lui suffit pas de se renseigner pour s’acquitter de ses responsabilités de procéder à un contrôle préalable. Le membre doit assurer correctement le suivi de toutes les questions qu’il a posées jusqu’à ce qu’il soit certain de comprendre parfaitement les produits qu’il songe à vendre… Il est essentiel que le membre comprenne bien toutes les caractéristiques du produit. Il faut examiner par exemple la liquidité du produit et la nature de tous les placements sous-jacents ainsi que leurs risques inhérents avant d’attribuer une cote de risque au produit. Le membre doit élaborer des directives ou établir un profil d’investisseur auquel conviendrait généralement le produit, en définissant notamment les niveaux de risque, l’horizon de placement, le revenu et la valeur nette. Le membre doit aussi identifier clairement les investisseurs auxquels le produit ne convient pas. Des limites de concentration doivent être rattachées aux produits ou aux catégories générales de produits, s’il y a lieu… Une pratique exemplaire consiste à confier à un comité constitué de hauts dirigeants du membre le pouvoir de valider en dernier recours l’approbation des produits, pour s’assurer que toutes les unités d’affaires du membre ont approuvé le produit avant sa vente.
- APA‑0048, Connaissance du produit, 31 octobre 2005.
- L’Avis APA-0048 imposait une obligation plus rigoureuse d’examiner soigneusement les titres dispensés et fournissait des directives supplémentaires applicables à l’approbation et à la vente de produits dispensés.
- APA‑0048, Connaissance du produit, 31 octobre 2005.
- Il est fondamental de comprendre les produits dont on recommande la vente pour s’acquitter de l’obligation de convenance énoncée à la Règle 2.2.1 :
[TRADUCTION]… pour s’acquitter correctement de cette obligation [de convenance], un membre, y compris son personnel de surveillance et ses personnes autorisées, doit également comprendre le produit recommandé aux clients. À notre avis, il s’agit d’un élément fondamental pour respecter la Règle 2.1.1 [de l’ACFM] et s’acquitter de l’obligation prévue au paragraphe c) de la Règle 2.2.1 [de l’ACFM].
- Farm Mutual Financial Services Inc. (Re), 2009 LNCMFDA 12, par. 56.
- Pour s’acquitter de l’obligation de connaître son produit, il faut notamment obtenir les renseignements nécessaires pour procéder au contrôle préalable adéquat et consigner les mesures prises pour comprendre les produits afin de s’assurer que leur vente par des personnes autorisées est appropriée.
- L’intimée a manqué à ses obligations en matière de connaissance du produit. Voici un aperçu des lacunes liées à la connaissance du produit indiquées dans le rapport de conformité des ventes de 2020 :
- l’intimée n’a pas veillé à obtenir systématiquement tous les documents essentiels nécessaires à la compréhension et à l’évaluation des produits dont elle a approuvé la vente par ses personnes autorisées, tels que les documents de placement, les sommaires des modalités types et les états financiers;
- l’intimée n’a pas obtenu de renseignement précis sur la structure de placement[2] des produits;
- l’intimée n’a pas obtenu suffisamment de renseignements sur les produits pour évaluer, déterminer et consigner correctement :
- les objectifs de placement de certains des produits;
- le montant de la rémunération auquel une personne autorisée était admissible pour avoir vendu certains des produits;
- la nature et la portée des conflits d’intérêts potentiels associés à certains des produits;
- les coûts pour les investisseurs de détenir certains des produits;
- les rendements projetés que les investisseurs pourraient raisonnablement s’attendre à recevoir sur certains des produits;
- une méthodologie de calcul de la valeur du placement que les clients acquerraient ou détiendraient après la date d’achat des produits, pour deux des produits;
- une évaluation de la situation financière et de l’expérience de gestion des émetteurs de certains des produits;
- l’ampleur des limites s’appliquant à la liquidité des placements dans certains des produits et la détermination des actifs (p. ex., espèces ou actions) que les investisseurs seraient en droit de recevoir s’ils souhaitaient faire racheter leurs placements dans ces produits.
- Entente de règlement, par. 19 et 22.
Préjudice potentiel
- Ces lacunes liées à la connaissance du produit ont nui à la capacité de l’intimée de déterminer correctement la convenance, ce qui a exposé ses clients à des risques. Les obligations en matière de connaissance du produit et de connaissance du client fonctionnent de concert pour permettre aux personnes autorisées d’évaluer la convenance.
- Dans l’affaire Popovich, le jury d’audience de l’ACFM a déclaré :
[TRADUCTION] En vertu de son obligation de « convenance », le conseiller doit déterminer si un placement convient à son client. Naturellement, l’appréciation de la convenance exige que le conseiller « comprenne le produit de placement et ait du client une connaissance suffisante pour apprécier si le produit convient au client ».
- Popovich (Re), 2015 LNCMFDA 48 (Misconduct), au par. 155, citant Lamoureux (Re), [2001] A.S.C.D. No. 613.
- Il était clair que les membres et les personnes autorisées ne pouvaient pas s’acquitter de leur obligation d’apparier les produits de placement aux besoins de leurs clients s’ils ne comprenaient pas suffisamment le produit pour effectuer une telle évaluation. Comme le mentionnait l’Avis APA-0069 :
[…] les membres et les personnes autorisées doivent comprendre les produits de placement qu’ils offrent à leurs clients afin de s’acquitter de leur obligation de convenance. L’Avis APA‑0048 du personnel de l’ACFM, Connaissance du produit, fournit des orientations supplémentaires aux membres concernant leurs obligations en matière de contrôle diligent lorsqu’ils approuvent et offrent un produit de placement aux fins de vente.
- APA-0069, Connaissance du client et convenance des placements, 14 avril 2008.
- Le non-respect de l’obligation de connaissance du produit a limité la capacité de l’intimée d’offrir aux personnes autorisées l’orientation et la surveillance nécessaires pour s’assurer qu’elle s’acquittait de ses obligations de convenance quant aux produits dispensés dont elle autorisait la vente aux clients.
Facteurs pris en compte
- Le jury a tenu compte des facteurs suivants en décidant d’accepter les sanctions proposées :
- La contravention n’a pas causé de préjudice financier aux clients.
- Aucune plainte n’a été déposée contre l’intimée.
- Les investisseurs qui ont acheté les produits ont reçu des documents les avertissant de certains risques associés aux produits.
- La contravention a été détectée lors d’une inspection courante de la conformité du courtier.
- L’intimée s’est montrée proactive et a proposé des mesures correctives.
- L’intimée a embauché un nouveau responsable de la conformité doté d’une expérience particulière en produits du marché dispensé pour s’assurer que tous les nouveaux produits seraient dûment approuvés par l’intimée et que toutes ses obligations en matière de connaissance des produits seraient respectées.
- L’intimée n’a pas d’antécédents disciplinaires auprès de l’ACFM.
- L’intimée a collaboré avec l’ACFM au cours du processus d’enquête.
- Le président de l’intimée a comparu à l’audience et s’est adressé au jury au nom de l’intimée. Le président de l’intimée a assumé l’entière responsabilité de la contravention et s’est excusé au nom du courtier. Le président de l’intimée s’est engagé à corriger le problème et à veiller à ce qu’il ne se reproduise plus.
- Le jury est d’accord avec le personnel quant au fait que les sanctions proposées offrent un juste équilibre en renforçant l’obligation qu’a le membre de prendre au sérieux ses obligations de connaissance du produit sans être excessivement punitif, compte tenu de sa petite taille et de l’absence de preuve que la conduite fautive aurait causé un préjudice aux clients. Les sanctions proposées témoignent de l’objectif du mandat de l’ACFM, qui consiste à accroître la protection des investisseurs et à renforcer la confiance du public dans le secteur canadien de l’épargne collective en veillant à ce que les membres adoptent des normes de conduites élevées et en améliorant la conformité des participants du secteur de l’épargne collective.
V. FRAIS
- Une somme de 7 500 $ imposée au titre des frais est appropriée et conforme aux décisions rendues antérieurement.
[1] Le 31 décembre 2021, la Règle 2.2 de l’ACFM a été modifiée pour l’adapter aux réformes axées sur le client du Règlement 31-103. Comme la conduite visée par l’entente de règlement est antérieure à la modification des règles, toute mention, dans l’entente de règlement, de la Règle 2.2 de l’ACFM renvoie à la version de la règle antérieure aux modifications du 31 décembre 2021.
[2] Par exemple, des clients ont eu la possibilité de souscrire des parts de deux sociétés en commandite qui investissaient dans des sociétés fermées connues, mais l’intimée n’avait pas indiqué, dans ses notes de contrôle préalable, si la participation des sociétés en commandite dans les sociétés cibles avait été acquise par le biais de l’actionnariat direct ou d’un autre instrument financier. L’intimée n’a pas non plus pris de notes sur l’ampleur de la participation des sociétés en commandite dans les sociétés cibles ou la participation proportionnelle que les investisseurs dans la société en commandite acquerraient au moyen de leurs placements.
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Emily ColeEmily ColePrésidente
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Edward JacksonEdward JacksonMembre représentant le secteur
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Joseph YassiJoseph YassiMembre représentant le secteur
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